Dossier • 31 mai 2018
Pourquoi les ports de plaisance doivent créer de nouveaux services
La manière de naviguer, les exigences et le niveau des plaisanciers évoluent. Les ports français doivent prendre la vague
Lors des Assises du nautisme de La Rochelle, les professionnels des ports de plaisance mais également ceux du secteur nautique au sens large ont convenu qu’il est temps de d‘adapter les ports aux nouvelles attentes des plaisanciers. Nouveaux services, nouvelles organisations de la profession, la filière a bien plus que des idées.
Michael Quernez, président de l’association des ports de plaisance de Bretagne résume bien la situation. « Une fois qu’il est au ponton, le plaisancier a des habitudes de vie qu’il faut prendre en compte. » Ils ont des demandes d’activités sportives, touristiques et de services notamment. « Les ports ont déjà investit, pour Michael Quernez, car l’enjeu touristique est important. En Bretagne, le deuxième élément d’attractivité touristique, après les îles, ce sont les ports. Ils doivent donc travailler en réseau pour offrir une offre touristique tout ensemble. » Par exemple, pour faire face au manque de places libres au port, il cite des applications sur mobile qui permettent de trouver des places au port, notamment en mettant en réseau les ports où des places sont libres et les plaisanciers d’une zone. Les applications sont nombreuses pour faciliter les navigation et les escales. » Aujourd’hui, on croise toutes les logiques (économique, marketing) des filières du tourisme et du nautisme car nos intérêt et objectifs sont proches. La maritimité est une porte d’entrée majeure pour le tourisme. »
Les nouveaux plaisanciers, moins bons à la manoeuvre
Les ports doivent proposer de nouveaux services aux plaisanciers pour s’adapter à leurs exigences ou à leur niveau dont nombre d’observateur estime qu’il est bien moindre qu’il y a une vingtaine d’années. A La Rochelle, le port propose l’accès à 200 titres de presse française, anglaise et allemande. « On essaie de chercher les produits pour faire en sorte que les gens se sentent bien dans notre port » précise Bertrand Moquay, président de l’association des ports de plaisance de l’Atlantique.
Emmanuel Jehan, directeur des ports à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nantes-Saint-Nazaire estime que « de 30% à 50% des clients acceptent de prendre une heure de cours par semaine (un nouveau service du port). On voit bien que les nouveaux plaisanciers sont moins marins car les anciens marins savent manoeuvrer. A partir du moment où nous avons proposé ce service, nous avons eu 20 clients et le planning a été rempli en trois jours. Nous avons également des personnels du port qui manoeuvrent les bateaux des plaisanciers du ponton d’accueil jusqu’au mouillage et inversement car beaucoup de plaisanciers sont peu agiles sur cette manoeuvre. »
Jean-Claude Méric, vice-président de la Fédération française des ports de plaisance parle de « mise en tourisme des ports de plaisance », c’est-à-dire qu’ils devront devront devenir une offre touristique et non plus de simple d’outil pour trouver un abri. « Nous avons des efforts à faire: il faudra davantage de services payants car il y a une demande de consommation supplémentaire. De plus, nous devrons faut faire la promotion de la France à l’international. » Sur les quatre ports de plaisance de Loire-Atlantique, la CCI estime les retombées économiques de la plaisance à 50 millions d’euros par an.
Vers des ports collaboratifs
Pour Loïc Bonnet, fondateur de l’application Dream Yacht Charter: »il faut faire des ports une market place, un endroit d’échange de services et de données entre utilisateurs. Il faut qu’ils deviennent une communauté. Quand on est dans un port pour plusieurs jours, le grand frère va suivre cours de cata mais il faut une garderie pour le petit. »
Sa société se développe. Dans un an, elle comptera dix développeurs pour que les gens partagent leur expérience et communiquent sur cette plateforme où, par ailleurs, des services sont vendus. « Ce genre de plateforme a commencé avec les stations de ski. La market place est d’abord une communauté et où l’on peut acheter (parce qu’à la fin de l’histoire, il faut bien vendre quelque chose). »
« Le port suit l’évolution sociétale. »
« Aux Etats-Unis, la plaisance est investie dans l’économie collaborative alors qu’en France on est encore ancré sur la possession d’un bateau. En France on en viendra de plus en plus à de la location, de l’échange, etc. » Des sociétés font déjà cela mais elles ne sont pas associés aux ports avec qui il y a parfois des conflits. « C’est normal, juge Loïc Bonnet, car tout ce qui est nouveau crée du conflit mais il est évident que ça arrive. »
Gaëlle Richard
Le partage des eaux entre nautisme et environnement, c’est possible (mais compliqué)
Aux Assises du nautisme, les acteurs des activités de plaisance et les défenseurs de l’environnement ainsi que les élus ont débattu du délicat sujet du partage de l’espace naturel entre plaisance et respect de l’environnement. Tous tombent d’accord sur le principe qui fait que leur liberté s’arrête là où commence celle des autres. Le tout reste à fixer la limite entre les libertés de chacun. Les plaisanciers tiennent surtout à leur liberté d’aller et venir, les défenseur de l’environnement plaident pour le fait que les activités ne pourront perdurer que dans un milieu protégé qui donne envie de s’y trouver et d’en profiter.
Jean Kiffer, président nationale de la Fédération nationale de la plaisance et des pêches en mer, a tenu à souligner que « toutes les fédérations de plaisance se sont engagées à inciter leurs membres au respect de l’environnement. » Un comité interministériel s’est déroulé le 24 mai dernier et les participants concèdent que la cohabitation entre usagers et Aires marines protégées n’est pas toujours facile. « Nous avons convenu qu’il y a surtout un gros problème de communication » a précisé Jean Kiffer. Pour lui, les décisions doivent être expliquées pour que tout le monde comprenne bien les enjeux. « Si chaque filière accepte de travailler dans l’objectif de protéger la ressource, il ne devrait pas y avoir de problème. »
Se connaître pour se parler
Joël Confoulan, président de l’association des Usagers bassin d’Arcachon estime que « l’impact nautisme sur l’environnement c’est le nombre et, c’est vrai qu’il est préoccupant. Mais il faut bien comprendre, a-t-il insisté que les plaisanciers sont viscéralement attachés à leur bateau, au milieu naturel et à la préservation de leur liberté car c’est elle qui conditionne l’achat du bateau et des services associés. Or, les libertés du plaisancier sont de plus en plus impactées. A cause de l’amoindrissement de ces libertés, des gens ne viennent plus sur le bassin d’Arcachon. »
A Lacanau, l’activité du surf devient une contrainte sur l’environnement. « Il existe des conflits d’usage sur les spots, dit Laurent Peyrondet, maire de Lacanau. Il existe une vingtaine d’écoles de surf sur la commune, soit 3.000 personnes sur cette activité. Il y a aussi la pêche, le kite, les usagers… Tous ces gens ne se connaissaient pas. Nous avons donc créé deux grands événements. Aujourd’hui, ils se connaissent… et n’ont plus besoin de se crier dessus! Sur le lac de Lacanau de 2.000 hectares, on limite les activités motorisées. Le recule trait de cote est très important. En 2014, il était celui que nous avions prévu en 2040 sur 1 km. Or, sur une bande de 200m, les coût des travaux s’élève à 330 millions d’euros. »
Paul Marec, de Ouessant Subaqua affirme que « l’impact de la plongée est faible à Ouessant. Entre les différents monde, il y a juste besoin d’un peu de courtoisie. On plonge dans le parc marin Iroise. La plongée peut polluer si la zone très fréquentée. Le problème est aussi le mouillage s’il y a beaucoup de bateaux. La seule solution est de réglementée. »
Pour Jean Kiffer « il ne faut pas regarder les aires marines protégées comme des freins mais plutôt comment les usages peuvent y être intégrés. »