Découverte & Recherche • 19 avril 2018
Plastic Odyssey, la nouvelle aventure pour la planète
Innovation
Quatre ingénieurs créent un catamaran pour démontrer que le plastique est une ressource, notamment un carburant. Plastic Odyssey effectuera un tour du monde de trois ans
Plastic Odyssey est de ces projets qui révolutionnent le monde. A l’instar de Solar Impulse ou Energy Observer, l’odyssée du plastique, dont l’idée est née à Bordeaux, promeut une nouvelle source d’énergie. De surcroît, elle lutte contre la pollution du plastique en mer. Pour cela, le projet s’appuie sur un bateau, un tour du monde, une technique à la pointe, des ingénieurs et de solides soutiens.
Le catamaran Plastic Odyssey, construit chez Mer Agitée, le chantier naval de Michel Desjoyeaux à Port-la-Forêt, effectuera un tour du monde de trois ans et 33 escales pour démontrer qu’il peut naviguer grâce aux énergies renouvelables, notamment le plastique, et pour faire connaître sa technique de pyrolyse. Le but: essaimer partout sur les côtes son outil pour traiter le plastique, le faire passer du stade de déchet à celui de ressource. Le plastique, non pas brûlé mais passé par la pyrolyse devient, selon les procédés, liquide (carburant), cire ou gaz.
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Qui?
Quatre jeunes, tous ingénieurs, ont uni leurs compétences pour mettre cet ambitieux projet sur pieds. Simon Bernard (26 ans), Alexandre Dechelotte (24 ans), tous deux également officiers de la Marine Marchande, Bob Vrignaud (24ans) et Benjamin de Molliens (29 ans) sont tous passionnés par la protection de l’environnement. Bob s’occupe particulièrement du système de pyrolyse et Simon planche sur l’adaptation des coques du bateau.
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Quoi?
« Nous construisons actuellement un prototype du catamaran d’expédition. Il embarquera une petite usine de pyrolyse, explique Simon Bernard. Nous avons développé cette machine avec l’aide d’ingénieurs de Sarp Industrie (une filiale de Véolia). SarpI a 6 ans d’expérience dans ce domaine. » S’il était si simple de transformer le plastique en carburant, pourquoi le système n’est-il pas déjà commercialisé? « Parce qu’il n’est pas rentable en l’état, tranche Simon Bernard. Le carburant issu de la pyrolyse est très taxé. Rajoutez à ce coût celui de la collecte des déchets et celui de l’investissement dans les usines, c’est tout juste rentable. Il existe des usines, en stand by, notamment en Angleterre. Les dirigeants attendent une meilleure conjoncture fiscale. » Pour ne pas tomber sur cet écueil, l’équipe de Plastic Odyssey parie sur une multitude de très petites unités de production disséminées partout sur les littoraux. Ce système, au plus près des déchets, s’affranchit ainsi du coût de la collecte. L’objectif de la valorisant du plastique est double: alimenter les moteurs du bateau et fabriquer des objets. « On vise petites usine donc équilibre différent pas logistiques des camions, taxes plus faibles. technologies adaptées aux pays émergents. »
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Comment?
La pyrolyse chauffe sans oxygène donc le plastique ne brûle pas. « Il se transforme et devient plein de choses suivant la température et le temps de pyrolyse. On peut choisir de le faire devenir liquide (carburant), sous forme de cires (pas taxé) ou de gaz (utilisable dans les moteurs chaudière, réinjecté dans le réseau). Plastic Odyssey expliquera ces détails lors d’ateliers qui auront lieu à chaque escale. La technologie développée sera libre de droits « pour qu’elle puisse être construite de manière collaborative. L’unité de pyrolyse sera le fruit d’une collaboration internationale unique entre des partenaires publics et privés, spécialisés dans la pyrolyse plastique. » Le résultat visé est une unité low tech et miniaturisée qui tient dans un conteneur maritime standard de 20pieds. Après avoir été testé et approuvé sur le navire, le système sera répliqué avant d’être déployé et remis à des acteurs locaux.
Où?
A bord du catamaran Plastic Odyssey, se trouveront quatre marins professionnels, deux ingénieurs systèmes, un réalisateur et cameraman, un preneur de son et photographe, un responsable événementiel. Le bateau pourra également accueillir 3 à 5 invités (partenaires,médias, scientifiques, artistes…).
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Quand?
L’expédition partira en novembre 2019. Plastic Odyssey mettra le cap vers l’Amérique latine (début 2020) puis fera route vers l’Asie et le Pacifique (2021) et achèvera son périple en Afrique (2022).
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Où en est le projet?
Actuellement, le prototype du bateau (un Tornado adapté à Port-la-Forêt) est en fabrication. « Parallèlement, nous préparons la suite, détaille Simon Bernard. Nous sommes en contact avec des projets sur le terrain, surtout Afrique dans une dizaine de pays. Nous devons savoir précisément comment on peut apporter des solutions locales avec une communauté d’ingénieurs. Les solutions que nous développons sont adaptées à chaque pays et zone. Il ne s’agit pas d’arriver dans un pays en colons avec des machines construites en France. Pour cela, les techniques ne sont pas forcément très technologiques. »
Plastic Odyssey travaille selon trois axes:
- le tri du plastique. « Entre un amas de déchets et le plastique qui a de la valeur, il n’y a qu’une seule étape: le tri. » Les arts et Métier et Sup optique collaborent avec le leader français du tri PellencST pour développer un prototype de capteur pour trier le plastique à moindre coût. Il sera livré en août. Il devrait coûter environ 100euros (un capteur industriel avoisine les 20.000euros).
- le recyclage. « On vise des utilisations très concrètes comme la construction de briques, la production de contenant de seaux, bassines, etc. Cela se fait déjà mais une machine multifonctions pourrait servir à différentes applications. »
- la récupération de l’énergie des déchets si le recyclage s’avère impossible. Il s’agira de transformer le plastique en carburant ou en électricité ou en chaleur.
Gaëlle Richard
Des soutiens de taille
L’expédition recherche un maximum de partenaires financiers, techniques et opérationnels. Car « plus il y aura de cerveaux, meilleures seront les solutions » insiste Simon Bernard. Parmi les mécènes: le groupe Clarins, et une grande banque (en cours de discussion). Les partenaires techniques: Sarpi (pyrolise), les Arts et Métiers (tri), Explore à Concarneau (Roland Jourdain), le ministère de la Transition écologique a financé Simon pendant un an pour monter le projet.
Parmi les personnalités, Claudie Haigneré, astronaute, l’Agence Spatiale Européenne l’ESA, s’est engagée mais également Sabine roux de Bézieux, Présidente de la Fondation de La Mer, Catherine Chabaud, navigatrice, déléguée à la mer et au littoral ou Michel Van Peteghem, l’une des références internationales de l’architecture navale.