Patrimoine • 22 décembre 2019
Naufrage de l’Erika : 20 ans après un drame environnemental
Il y a 20 ans, l’Erika, affrété par TotalFina, faisait naufrage au large de la Bretagne. À son bord 30 000 tonnes de fioul lourd. Le début de l’une des pires marées noires en France, touchant 400 km de côtes, de la pointe de la Bretagne à l’île de Ré. Le récit d’une tragédie.
Que s’est-il passé ?
Le cargo quitte Dunkerque le 7 décembre pour rejoindre la Sicile. Mais la mer est déchaînée avec des creux de six mètres, ce qui fait que le 11 décembre, les première fissures apparaissent sur la coque. Le bateau est âgé de 25 ans. Depuis qu’il navigue, il a déjà changé huit fois de propriétaire et trois fois de pavillon.
Le 12 décembre au matin, le pétrolier n’est plus gouvernable. Le bateau se casse en deux (littéralement). La partie arrière est remorquée par l’Abeille Flandre, l’autre coule dans la nuit du 13 au 14 décembre à plus de 50 km de Penmarch. Pendant ce temps, l’équipage est secouru par hélicoptère. Le capitaine sera le dernier à quitter le navire.
Le plan Polmar Mer (plan d’intervention déclenché en cas de pollution marine accidentelle) est activé par la préfecture maritime. À ce moment là, plus de 10.000 tonnes de pétrole visqueux se sont déjà déversés dans la mer.
Malgré le pompage, les premières nappes de pétrole arrivent sur les côtes. Le Finistère d’abord, puis le Morbihan, la Vendée, la Charente-Maritime sont touchés. Des milliers de volontaires se rendent sur les plages pour ramasser les tonnes d’hydrocarbures et plusieurs vétérinaires se mobilisent pour sauver les oiseaux mazoutés. A la fin du pompage, le 5 septembre 2000, 11.235 tonnes de fioul sont récupérées mais 20.000 se sont échappées.
Le produit pétrolier transporté par l’Erika est un fioul lourd. Au CEDRE à Brest, le Centre de Documentation de Recherche et d’Expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux, les scientifiques réalisent des analyses du pétrole et se rendent compte que le produit n’a aucune tendance à se disperser naturellement dans l’eau, il reste flottant et se fragmente peu. Ils concluent alors que le pétrole de l’Erika sera difficilement récupérable.
Le BEAmer, chargé de l’enquête sur le naufrage de L’Erika, révèle que la défaillance de la structure du navire était à l’origine de son naufrage : vieux navire équipé et entretenu a minima depuis trop longtemps.
20 ans après quelles sont les répercussions ?
Au niveau environnemental, le bateau a souillé 400 kilomètres de littoral.Cette catastrophe écologique a provoqué la mort de 200.000 oiseaux. Cependant il faut voir les choses de manière positive et il est intéressant de savoir que depuis cette catastrophe, les réglementations dans la sécurité maritime ont été renforcées.
En effet, ce naufrage, puis celui du Prestige en 2002, ont amené la France, et l’Union européenne, à renforcer la sécurité et la prévention via trois paquets législatifs « Erika » au niveau européen :
- l’interdiction des pétroliers à simple coque,
- la création d’une agence européenne de sécurité maritime
- le renforcement du contrôle des navires étrangers dans les ports européens.
Ces mesures européennes ont eu des effets sur la flotte mondiale. « L’ensemble de la réglementation de la prévention des accidents en terme de sécurité maritime a été considérablement renforcé » nous explique Thierry Coquil, directeur des affaires maritimes au Ministère de la transition écologique et solidaire.
Au niveau national, la politique de sécurité des navires a aussi été renforcée, avec notamment des moyens de contrôle supplémentaires dans nos ports. Le nombre d’inspecteurs de sécurité des navires a quasiment été doublé dans les années après le naufrage. Ces dernières années, la politique de sécurité des navires s’est ouverte à de nouvelles dimensions.
Il s’agit de répondre aux défis environnementaux, technologiques, de sûreté, ou encore de prendre davantage en compte le facteur humain dans la sécurité.
Aujourd’hui, près de 11 000 navires français sont contrôlés tous les ans. Plus de 1 000 navires étrangers sont inspectés dans les ports français chaque année.
La catastrophe de l’Erika aura aussi permis d’inscrire le « préjudice écologique » dans le code civil, cela concerne les dommages causés à la nature. La nature ayant ses droits, quiconque lui porte atteinte doit réparer, c’est le préjudice écologique.
Les moyens pour lutter contre la pollution en mer se sont affinés. Les scientifiques ont approfondi leurs connaissances sur les pollutions en mer. C’est le cas au Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre), créé à Brest en 1979.
Ce naufrage tragique aura au moins accéléré une prise de conscience et permis le renforcement de la sécurité maritime, pour prévenir et éviter qu’une catastrophe similaire ne se produise. Nous nous devons de continuer à protéger les océans et l’écosystème qui s’y trouve. Le nombre de naufrages (ou pertes totales) de navires dans le monde a baissé de 65 % au cours de la dernière décennie, atteignant son niveau le plus bas en 2018. En parallèle, le nombre d’accidents maritimes est stable depuis dix ans.
La fréquence des pollutions maritimes accidentelles aux hydrocarbures a diminué. Les grandes marées noires ont également diminué, elles sont passées à deux par an dans les années 2010 alors qu’elles étaient à plus de 25 par an dans les années 1970.
Nous nous devons de préserver et protéger nos océans et l’écosystème qui s’y trouve en faisant évoluer la règlementation. Sans attendre une telle catastrophe pour agir.