Patrimoine • 5 novembre 2019
Les Forts de France : de la gloire à la désuétude
En novembre 1705, Sébastien Le Prestre de Vauban dressait l’État des places fortes du Royaume, recensant, parmi les places fortifiées, citadelles, réduits ou redoutes, 58 forts. Cet architecte de génie avait lui-même contribué à protéger par un front impressionnant de forts et de fortifications le territoire royal pendant sa vie, en tant qu’architecte militaire et maréchal de France. Retour sur le rôle des forts de France.
Les forts ont fait la France
Un besoin stratégique
Si le Moyen-Âge est surtout l’époque des châteaux forts et des places fortes appartenant à un seigneur, dans le cadre d’un système féodal, l’avènement progressif d’un Etat royal centralisé et étendu pousse à la protection des frontières du Royaume de manière méthodique. En outre, l’invention des canons à boulets de fer affaiblit la pertinence des murs droits traditionnels, plutôt destinés à se dresser comme rempart contre les assiégeants. De ce point de vue, la prise de Constantinople constitue dès 1453 un traumatisme pour les villes fortes face à la puissance de feu ottomane. Les fortifications évoluent alors de la verticalité à l’horizontalité.
L’idée de forts aux frontières du royaume de France prend toute son importance avec les règnes de Louis XIII puis Louis XIV. Le Roi Soleil, en particulier, s’attache à défendre l’intégrité du territoire royal, en particulier sur les flancs de mer (Atlantique, Méditerranée), et sur le front Est.
Vauban, le maître de ces lieux
Pour ce faire, le roi confie assez rapidement à Sébastien Le Prestre de Vauban, devant le génie architectural et militaire du jeune ingénieur, la fortification des frontières. Celui-ci, nommé Commissaire général des fortifications en 1678, va alors déployer son ingéniosité et sa science pour tenir avec un minimum d’hommes des sièges face aux canons ennemis.
Explications en vidéo avec Fred et Jamie :
Douze sites en particulier sont aujourd’hui classé dans le réseau des sites majeurs de Vauban, au sein du patrimoine mondial de l’UNESCO. En font partie Saint-Martin-de-Ré, le fort de Briançon, la citadelle d’Arras, le fort de l’île de Tatihou ou encore Mont-Dauphin.
Ce réseau de fort protège aussi bien le Royaume contre les guerres européennes à l’Est que contre les incursions maritimes corsaires ou pirates, ou les débarquements anglais, à l’Ouest ou en Méditerranée. Il contribue durablement à forger l’architecture des côtes françaises.
La crise du fort français
La fin d’un règne militaire
Si le réseau des forts et places fortifiées à la Vauban protège le Royaume de Louis XIV, les innovations militaires successives, la prépondérance de la guerre de mouvements, puis l’invention finale de l’obus torpille réduit la pertinence de l’usage de fort dans les stratégies militaires. Ainsi, pendant la Seconde Guerre mondiale, le fort du Château-d’Oléron est partiellement bombardé et détruit par l’aviation alliée.
Cette désuétude doit également beaucoup à mise en place d’une société industrielle, qui modifie l’occupation de l’espace et l’utilisation des pierres. Néanmoins, certains forts, comme Mont-Louis, abritent toujours des garnisons (en l’occurrence, le centre national d’entraînement commando).
Une méconnaissance touristique
De nombreuses forteresses Vauban sont aujourd’hui des centres renommés de haute fréquentation touristique. Mais la plupart des fortifications, qu’elles soient signées de l’architecte ou d’autres, n’ont pas la même aura culturelle. L’entretien parfois délaissé des murs laisse la nature reprendre ses droits, tandis que l’argent vient à manquer pour la valorisation des sites culturels et l’attractivité auprès du public. Souvent, quelques forts célèbres concentrent l’attention et font de l’ombre à leurs petits frères. C’est très vrai pour le réseau des châteaux forts médiévaux.
Une manière de faire revivre ces lieux chargés d’histoire et d’architecture est de faire vivre les murs par des reconstitutions historiques en habits d’époque, ou d’habiller les pierres par des fêtes populaires.