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Le Minerve / Photo : collection Gérard Gastaud

Dossier 11 juillet 2019

L’énigme du Minerve, sous-marin français disparu il y a 50 ans

27 janvier 1968, 7H58. La coque du Minerve, sous-marin d’attaque de classe Daphné, entre en implosion au large de Toulon. Il comptait cinquante-deux marins à bord.

Malgré trois périodes de recherche active, l’épave du Minerve n’a jamais été retrouvée. Aujourd’hui, l’espoir des familles de retrouver une trace de ce drame renaît, avec la reprise des recherches en juillet 2019, 51 ans après. Pour arriver à faire – peut-être – le deuil de ces hommes morts pour la France.

Première escadrille de sous-marins

Construit pour les forces sous-marines de la Marine Nationale, le Minerve S647 a été mis sur cale à Nantes en 1958, baptisé en 1960 et mis à flot en 1962. Après sa première croisière d’endurance dans les eaux froides d’Irlande, de Norvège et de Suède, il atteint Toulon et ne quittera plus la Méditerranée. En 1964, il est admis au service actif. Il recevra même la visite du roi Constantin de Grèce qui lui portera un grand intérêt. Et c’est en 1967 qu’aura lieu son seul et unique carénage à l’arsenal de Toulon. Il fait partie des onze sous-marins de cette classe Daphné, construits en France pour la Marine Nationale, également appelés les « 800 tonnes ». Réputés pour leurs qualités novatrices pour l’époque, ces bâtiments d’attaque plongent à 300 mètres et atteignent 16 nœuds.

De l’avarie à la tragédie

 

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L’équipage du Minerve, peu avant le drame / Archive

 

Dernière escale à Nice en juin 1967. Et c’est le 27 janvier 1968 que le Minerve, en exercice avec deux sous-marins de la même classe « Daphné », Euridyce et Junon, effectue ses opérations au large de Toulon. Le temps est gros, les conditions sont difficiles. Le Minerve débarque un officier d’entraînement, puis reprend le large avec un avion de patrouille Breguet Atlantic. Le sous-marin est sous le commandement du lieutenant de vaisseau Fauve, commandant du Minerve depuis le 17 janvier 1968, soit dix jours avant le drame. Avec à son bord cinquante-deux hommes, le bâtiment disparaît en quatre minutes au large du Cap Sicié dans le Var, par 1000 à 2000 mètres de fond. A ce jour, la cause de ce drame reste non élucidée : ergonomie du matériel, collision, voie d’eau… les hypothèses sont nombreuses, mais en l’absence d’épave, elles restent difficiles à confirmer.

 

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Le Minerve / Photo : DR

 

Opération recherches

Immédiatement, les secours s’organisent, avec l’intervention de quatorze bâtiments, ainsi que celle du porte-avions Clémenceau. Avec cent heures de réserves en oxygène, il fallait agir très rapidement. Hélas, les recherches restent infructueuses, et sont suspendues le 2 février 1968. L’émotion est immense ; le Général de Gaulle parle de marins qui avaient « fait un pacte avec le danger » et d’un sous-marin qui « a laissé au cœur de la France toute entière un souvenir profond, et à ses armées un exemple qui durera ». Des relevés séismologiques font état d’une onde de choc dans la zone de la disparition, permettant de date de façon plus précise l’heure de l’implosion, mesurée à 7H58 le 27 janvier 1968. Cette opération, baptisée REMINER (Recherche Minerve), a amené à analyser des remontées d’huile à la surface de l’eau et à identifier une quinzaine d’échos repérés par un sondeur. Le bathyscaphe (sous-marin d’exploration abyssale) Archimède entre alors en jeu afin d’identifier de façon visuelle les échos précédemment repérés. Faute de résultats concrets, les recherches sont abandonnées en 1969, alimentant de folles rumeurs. Elles reprendront, sans succès, un an plus tard lors du naufrage de l’Euridyce, autre sous-marin de type Daphné victime d’une avarie au large de Saint-Tropez en 1970. Son épave sera retrouvée et analysée, mais la cause de l’accident reste encore inconnue.

2019, pour la mémoire des marins

En juin 2018, les archives concernant le naufrage du Minerve font l’objet d’une déclassification. Et c’est en octobre que le fils du Commandant Fauve, accompagné des familles de dix-huit des cinquante-deux marins disparus, demande officiellement une reprise des recherches de l’épave du sous-marin. Avec le concours de l’IFREMER et du Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM), de nouvelles recherches sont lancées en février 2019 par Florence Parly, Ministre des Armées. Le Pourquoi pas, navire océanographique, démarre la première phase. En juillet, c’est l’Antea qui prend le relais sur la base des relevés de la première phase. Il est équipé d’un drone sous-marin ultra puissant, capable de balayer un kilomètre carré par heure, jusqu’à 2850 mètres de profondeur. La technologie au service de l’histoire et de la mémoire des marins morts pour la France.

 

 

Ed.W