Environnement • 23 février 2021
Le principal fleuve de Tunisie empoisonné par l’industrie
La Medjerda, principal fleuve de Tunisie, traverse le nord du pays pour se jeter dans la Méditerranée. Il alimente en eau la population et l’agriculture. Depuis plusieurs années, il est pollué par les égouts, et surtout, l’industrie. Les paysans et les riverains pointent du doigt l’inaction de l’État.
Une odeur de soufre, de produits chimiques, émane de cette eau stagnante, trouble et épaisse. À sa surface éclatent régulièrement des bulles qui témoignent d’une intense activité organique.
Dans la petite ville du nord-ouest de la Tunisie, Bou Salem, sont implantées deux usines de produits laitiers qui rejettent leurs eaux usées directement dans l’Oued Kasseb, un affluent de la Medjerda.
Depuis 2018, les rejets néfastes de ces usines sont officiellement connus. Une étude du ministère de l’Environnement tunisien a révélé une pollution organique, un appauvrissement en oxygène et des concentrations élevées en éléments phosphorés, qui dépassent généralement les valeurs limites admissibles. Cette étude prouve que l’Oued Kasseb est asphyxié, sous l’effet d’une bombe bactériologique.
Le document cite pour source principale de cette pollution : la laiterie « Laino » et la « Cie Fromage ». Mais l’État n’a pas de stratégie pour limiter le danger qui sort des usines, se désolent les riverains.
En une quinzaine d’années, la région s’est transformée, avant, les habitants se baignaient près des barrages, dans le fleuve Medjerda, mais, aujourd’hui, il n’y mettraient pas un orteil, par peur de ce mélange toxique.
Alors que la Tunisie se trouve dans une situation de pénurie d’eau, avec moins de 500 mètres cubes par habitant et par an, le seul fleuve du pays agonise. La Medjerda qui prend sa source en Algérie, parcourt sa plus longue distance en Tunisie et représente l’essentiel des réserves tunisiennes en eau de surface. Elle irrigue 80.000 hectares de terres agricoles et contribue à approvisionner plus d’un tiers de la population en eau potable. Cette ressource est aujourd’hui menacée car sa qualité n’a cessé de baisser, avec près de 60 000 tonnes de polluants déversés dans l’eau chaque année.