Économie • 29 novembre 2019
Le Black Friday, tueur des océans
La face cachée de ce « vendredi noir » venu des Etats-Unis dévoile une véritable « machine » à tuer les océans.
En quoi le Black Friday tue les océans ?
Chaque année, le Black Friday s’érige en incontournable rendez-vous à ne pas manquer pour les consommateurs avertis en quête de bonnes affaires. Pourtant, la face cachée de ce « vendredi noir » venu des Etats-Unis dévoile une véritable « machine » à tuer les océans.
Black Friday ou l’ère de la surconsommation
Au fil du temps, la façon de consommer a radicalement changé de camp : si, autrefois, les textiles et objets en tout genre étaient fabriqués dans l’espoir de durer et traverser le temps, aujourd’hui, les produits semblent tomber aux oubliettes en un rien de deux, avant de tomber directement… dans les poubelles. L’heure est à la consommation massive, l’achat à outrance sans tellement se soucier de l’empreinte écologique laissée derrière ces actions bien souvent perçues comme insignifiantes.
La preuve en est que le Black Friday organisé en 2018 a généré pas moins de 50 millions de paiements bancaires, rien que dans l’Hexagone. En 2016, les chiffres ont évoqué des dépenses à hauteur de 735 millions d’euros, en France, entre le jour du Black Friday et celui du Cyber Monday qui l’a suivi. Ainsi, le Black Friday annuel, qui se tiendra le vendredi 29 novembre prochain, réunira de nouveau plusieurs milliards de personnes à travers le monde dans des points stratégiques tels que les centres commerciaux et les plateformes internet. Alors qu’il trouve ses origines dans les années 60 de l’autre côté de l’Atlantique, aux Etats-Unis, le Black Friday n’a pas manqué de gagner le coeur des Français quelques années plus tard. C’est en 2013 que l’Hexagone semble avoir célébré pour la première fois cette journée de promotions commerciales.
Elle se déroule tous les ans à la même période puisque la date du Black Friday est choisie en fonction de la fête de Thanksgiving, aux Etats-Unis. Cette célébration se tenant chaque année le quatrième jeudi du mois de novembre, la « fête » commerciale est, quant à elle, toujours programmée le vendredi qui suit Thanksgiving. Cependant, pour l’édition 2019, la date du Black Friday a été décalée de plusieurs jours.
Des chiffres alarmants
Quoi de plus évocateur que des chiffres pour mettre en lumière l’aspect dérisoire de cet événement annuel de grande ampleur et, plus largement, la surconsommation annuelle à travers le monde ? Parce que, la surconsommation, c’est cela :
- Des milliards d’euros dépensés : 2,8 milliards d’euros ont été dépensés aux Etats-Unis et un peu moins de 735 millions en France en 2016
- Des achats qui s’avèrent bien souvent inutiles : 80 % des produits textiles qui sont achetés tous les ans sur le territoire occidental sont jetés à la poubelle quelque temps après
- Une consommation revue à la hausse au fil du temps : selon une enquête réalisée en 2016 par la plateforme McKinsey et relayée ensuite par Greenpeace, une personne s’offrirait en moyenne 60 % d’habits de plus que la population d’il y a 15 ans. Aussi, l’étude aurait démontré que chaque vêtement est porté et gardé environ deux fois moins longtemps qu’avant.
En clair, la population actuelle consomme quasiment deux fois plus qu’il y a des dizaines d’années et gaspille presque deux fois plus également.
Les océans en danger
Le Black Friday représente une consommation tout sauf… green. Si la tendance est pourtant au bio, au vert et au « earth-care », lorsqu’il s’agit de Black Friday et de prix au rabais, l’environnement semble passer au second plan. Pourtant, cet événement commerciale revêt l’habit d’une véritable « machine » à tuer l’environnement, et plus particulièrement les océans.
Le plastique omniprésent
Oui, le Black Friday est le roi du plastique et cela n’a rien de réjouissant. Si une grande majorité de gens s’imagine le plastique au niveau des emballages et des bouteilles seulement, sachez que le plastique est omniprésent dans notre quotidien. Paillettes pour les enfants, vêtements, mégots de cigarette, lingettes cosmétiques, produits high tech : la matière première qu’elle représente est utilisée dans tout et presque n’importe quoi. Créé en 1869 puis décliné plus tard sous la forme dans laquelle il est aujourd’hui connu, le plastique représente, 150 ans plus tard, l’un des matériaux les plus polluants au monde.
Ainsi, que l’on se rue sur des vêtements textiles vendus à des prix déroutants, ou sur des appareils technologiques à des tarifs imbattables à l’occasion du Black Friday, le consommateur contribue à la pollution des océans, sans pour autant le vouloir. Vous comptez vous acheter des vêtements en polyester (la fibre textile représentant pas moins de 80 % des fibres de synthèse retrouvée dans l’industrie de la mode) et vous pensez les garder le plus longtemps possible ? Rien que le fait de laver ce textile en machine nuit à l’environnement ! Le polyester libère des fibres plastiques lorsqu’il est plongé dans un liquide, liquide qui se retrouve finalement jeté dans les océans.
Une boucle lâchement bouclée
« Non aux produits transformés ! », « non aux aliments pollués par le plastique ! », « non à l’alimentaire autre que 100 % naturel ! » : depuis quelques années, l’heure est à la prise de conscience sur certains points et les revendications d’un bon nombre de consommateurs sont claires : ils veulent manger mieux. Pourtant, manger mieux, cela commence par limiter son empreinte écologique… Car, finalement, les fibres plastiques (provenant du lavage des habits synthétiques ou des déchets lâchés dans la nature) se retrouvant dans les océans et les animaux marins mangeant ces mêmes micro-fibres, la chaîne alimentaire étant ce qu’elle est, les humains finissent par manger à leur tour les animaux qu’ils auront eux-mêmes gavés de ces produits nocifs qu’ils rejettent pourtant sous la forme alimentaire.
Pour rappel, à ce jour, plus de 5 000 milliards de déchets plastiques errent dans les océans du monde.
L’appel au boycott des marques
En 2015, l’association UFC-Que Choisir a réalisé une étude indiquant que le Black Friday ne permettrait de bénéficier que de réduction à hauteur de… 2 % en moyenne. Si l’on établit un très bref récapitulatif des avantages et inconvénients du Black Friday :
Il pousse à la surconsommation et à l’achat de produits dont certains se seraient certainement passés en d’autres circonstances
Les réductions ne sont finalement pas aussi avantages que ce que les entreprises veulent laisser paraître
Les particules plastiques et les déchets en tout genre se retrouvent jetés et finissent au coeur de la déchèterie naturelle que l’Homme n’en finit plus d’alimenter au fil du temps
Face à ce fléau environnemental, de nombreuses marques se sont décidées à ne pas prendre partie pour ce symbole de la consommation à outrance par excellence. La marque de mode FAGUO est parvenue à s’entourer de plus de 450 marques différentes pour lutter contre ce fameux Black Friday. Ainsi, des marques telles que Bergamotte, Tediber, Joone, Les raffineurs, Rosemood, Nature & Découvertes et bien d’autres encore, ont pris part au mouvement « Make friday Green again ». Si certaines enseignes fermeront carrément leur porte le 29 novembre pour faire acte de protestation, d’autres se contenteront de laisser maintenir des prix classiques, sans remises exceptionnelles comme il peut en avoir pour le Black Friday. Les équipes de Nature et découvertes iront même plus loin puisque les visiteurs se verront proposer des sachets de graines pour alimenter les oiseaux durant l’hiver, à chaque achat !
Des conseils et astuces pour inverser le mouvement
Et si, finalement, nous réapprenions à consommer ? L’année dernière déjà, en 2018, Greenpeace recommandait la création et la réparation des éléments défectueux ou abîmés dont chacun peut disposer chez soi, plutôt que de racheter pour remplacer ce que l’on possède pourtant déjà.
La marque belge répondant au nom de Bellerose l’a bien compris et est à l’initiative du « Blue Friday » pour faire face au « vendredi noir ». « Cinq millards de milliards de morceaux de plastique polluent nos océans aujourd’hui. Il est facile de pointer du doigt mais la vérité est que nous faisons tous partie du problème. Nous pouvons également faire partie de la solution » a indiqué la marque voisine et elle s’y engage elle-même puisqu’elle ne collabore qu’avec des entreprises éthiques et responsables. Aussi, à l’occasion du « Blue Friday », « au lieu d’une vente, nous réinvestissons 20% de tous les achats effectués ce jour-là dans le nettoyage de nos océans », explique Bellerose dans les lignes de Paris Match.
Du côté des Pays-Bas, l’enseigne Kloffie s’est également prêtée à la tendance et s’est engagée à reverser 20 % des ventes à l’association néerlandaise The Ocean CleanUp.
The Ocean CleanUp
Créé en 2013, l’idée du projet responsable The Ocean CleanUp a germé dans l’esprit de Boyan Slat, un jeune homme venu des Pays-bas. Le jeune néerlandais de 19 ans, étudiant en aérospatiale, s’est investi de la mission de nettoyer les océans des déchets plastiques qui n’en finissent plus de polluer. Grâce à des panneaux placés sous l’eau et longs de plus de 3 mètres, le jeune homme espère pouvoir filtrer les micro particules plastiques sans déranger la faune ainsi que la flore qui composent les océans.