Glisse • 28 février 2020
Le gang des surfers de la Grande plage de Biarritz
Comment la précieuse station balnéaire de l’Impératrice Eugénie est-elle devenue l’un des spots de surf les plus réputés de la planète ?
Comment la précieuse station balnéaire de l’Impératrice Eugénie est-elle devenue l’un des spots de surf les plus réputés de la planète ?
La Grand Plage s’étire en demi-lune entre le Rocher de la Vierge. Elle carrosse délicatement les hôtels particuliers XIXe siècle qui la bordent comme les perles d’un collier très aristocratique. Et ses promenades aux balustres de béton moulé façon branches d’arbres révèlent à qui sait les voir les fantômes des belles en crinolines et ombrelles de dentelle et leurs galants aux plastrons immaculés et hauts-de-forme lustrés… De fait, le décor n’incite pas vraiment au subversif.
Et puis, à la fin des années 70, une bande de copains désœuvrés, des adolescents de la commune, se passionne pour une discipline naissante venue des plages du Pacifique : le Surf. Les planches sont encore lourdes et longues et la jeunesse dorée biarrote en fait son étendard, le symbole de sa liberté irrépressible. Une jeunesse dorée autant par l’aisance des parents que par la blondeur de leurs cheveux longs, bouclés et emmêlés qui contraste avec le hâle de leur peau déjà burinée par le soleil et le sel.
L’épopée débridée des punks du surf
Sans avoir vraiment le statut de chefs de gang, Olivier Nagouas, dit «Kikette» et Joël Darrigade, dit « Nabo », s’imposent en chefs de file de leur horde sauvage adolescente qui atteindra, au plus haut de la vague, une soixantaine de membres.
Ces garçons sont beaux, sportifs. Et, dans ces temps «post-beatniks » où il est interdit d’interdire, vivent hors les règles et prennent tout ce qu’il est bon de prendre. Ils enchainent les victoires, écument les podiums et surfent sur leur notoriété internationale (Maroc, Hawaï, Australie…). Ils brûlent par les deux bouts une vie intense et sans limite, méritant bien leur surnom de «punks du surf».
C’est le «Sea, sex and rock’n’roll», sans oublier la drogue. Déjanté et incontrôlable, le surf gang de Biarritz séduit les objectifs des reporters et les jolies filles fascinées. Mais il fâche les autorités qui ne voient en eux qu’une bande de délinquants. Un peu comme dans le film «Point Break», ces marginaux sont lumineux et talentueux, hors les lois et les normes. Ils adorent surfer complètement défoncés et provoquent des bagarres avec les Australiens attirés par le spot.
La lucidité au bout de la descente aux enfers
«Kikette;» et ses potes, Pierre Nazeyrollas, Sammy Sansoube, Michel Larronde, « Nabo » et Eric Graciet, et les dizaines d’autres, essaient d’intégrer la jeune équipe de France de surf. Ils en ont largement le niveau. Mais leur mode de vie sans limite provoque l’exclusion rapide de certains. Iils ne vivent que pour le surf certes mais aussi pour les fêtes et les excès de toute sorte.
Au fil des années, tandis que leur énergie tapageuse propulse la station française parmi les meilleurs spots du monde, eux commencent la descente aux enfers. Pour certains, plus de 25 années de défonce et de n’importe quoi. Au bout du compte, les rescapés de «la bande de la Grand Plage» sont aujourd’hui des sexagénaires lucides et sages. Ils prônent une passion du sport saine et sans addiction.
«Biarritz Surf Gang», une série documentaire puissante en 10 épisodes, a été réalisée en 2017 sur cette bande sans limite. Elle fut éalisée par Nathan Curren et Pierre Denoyel. Ils sont les héritiers de cœur et de sang de ces hors-la-loi du surf. Et cette œuvre a obtenu de nombreux prix prestigieux dans les principaux festivals européens de surf.