Dossier • 15 janvier 2018
François Gabart. « Je sens une vague de fond pour la protection des océans »
[INTERVIEW]
Après son record autour du monde et avant le départ pour la Route du Rhum, le skipper s'engage pour la protection des océans et du littoral. Et tente de récupérer physiquement
Comment vous sentez-vous moralement et physiquement ?
Moralement je vais très bien parce que plein de belles choses sont en train de se mettre en place. Le groupe Macif vient de m’annoncer que le partenariat est reconduit entre 2020 et 2024. C’est bien entendu une très bonne nouvelle qui nous permet de nous projeter dans l’avenir. Physiquement, je me sens encore un peu fatigué après le tour du monde. Pourtant, j’ai pas mal de boulot pour préparer la suite. Nous sommes en train de modifier le catamaran pour le préparer pour les courses prochaines.
Comment avez-vous fait pour récupérer ?
En fait, je n’ai pas fini ma récupération! C’est une phase encore en cours. Après une épreuve comme un tour du monde, cette phase prend du temps. Mais c’est assez simple, je fais du sport et je dors. Le sport est essentiel pour mon équilibre. Je pratique surtout des sports de glisse comme le surf, le paddle. J’ai été deux jours à la montagne pour faire de la rando et de l’alpinisme. Je pratique aussi la course à pied, le vélo ou le kayak. Bref, plutôt des activités de pleine nature. Mais le principal problème reste principalement au niveau du sommeil. Le corps manque de sommeil, il faut donc « juste » dormir. J’essaie de faire du mieux possible.
Quel est votre quotidien ?
J’essaie de prendre le temps nécessaire avec ma famille. J’ai deux enfants, petits, il faut prendre soin d’eux et de leur maman aussi. Je travail quotidiennement avec mon équipe même s’ils sont très indépendants. Actuellement, nous sommes en train de modifier le trimaran, donc nous travaillons pas mal en réunion pour poser les orientations techniques. Je dois aussi effectuer quelques voyages pour donner des interview et faire des interventions avec les partenaires, principalement Macif. Je fais des allers/retours parisiens très régulièrement, au moins une fois par semaine Bretagne/Paris en train.
Comment sort-on d’un tourbillon de réussite ?
On essaie d’y rester le plus longtemps possible, de faire en sorte que tout se passe bien. Mais la réussite ne doit pas faire oublier que le cheminement pour y parvenir n’a pas toujours été simple. L’exercice de faire un tour du monde est loin d’être anodin.
On achève un tour du monde très fatigué et, j’espère, un peu grandi.
Moi, c’est ce que je ressens car j’ai vécu des moments très fort. Ce tourbillon de réussite comme vous dites apporte une certaine confiance en soi, même suis quelqu’un de très optimiste par nature. Quand je travaille sur des projets comme un record de tour du monde en solitaire, une Route du Rhum, le tour du monde des Ultim, j’ai confiance en moi et dans l’équipe. Cet enthousiasme nourrit et nous porte.
Après ce tour du monde en solitaire, appréhendez-vous plus fortement la notion de risque ou de danger?
Pas forcément parce qu’il est anticipé même si le risque zéro n’existe pas. On sait qu’il va y a avoir des difficultés mais ce n’est pas grave parce qu’on sait que l’on va trouver des solutions. Nous travaillons dans optique où tout est mis en œuvre pour que ce risque soit minimum. Cela représente des années de préparation, des années d’entrainement pour être capable de gérer ce type de bateau et faire face à l’imprévu. L’idée n’est pas de tourner le dos au risque mais de trouver des solutions pour qu’il devienne presque négligeable.
De toutes façons, vivre c’est prendre des risques.
Comment concilier une vie en mer et entre les avions avec une vie de papa ?
(Silence) Ce n’est pas forcément simple puisque je suis très pris. Une passion c’est très chronophage. Dans mon quotidien, outre les déplacements, le reste du temps je le passe au chantier, au bureau et le soir à la maison. J’essaie d’adapter mon travail à la vie de famille quand je le peux.
Sentez-vous un engouement de la société pour la protection des océans ?
On ressent globalement cette vague de fond pour la protection des océans depuis quelques années. Quoique dans mon milieu c’est un sujet qui nous est très cher et depuis toujours. Tous les marins que je côtoie, mes partenaires… nous sommes concerné. On est très à l’écoute de tout ce qui peut se faire et se développer.
Est-ce important de vous engager dans la protection du milieu marin et du littoral ?
Cela me semble naturel même si je sais bien que moi tout seul, je ne vais pas tout résoudre. Je pense que nous avons tous, moi y compris, une responsabilité dans cet enjeu. Je me suis engagé, notamment, dans la promotion de la consultation nationale sur l’avenir des façades maritimes françaises. Autour de moi, je sens que la conscience de l’enjeu se développe. Il y a des actions concrètes qui avancent même si on trouve que ce n’est jamais assez suffisant et rapide. Je sens que quelque chose se passe.
Quelles sont vos prochaines échéances ?
La Route du Rhum en novembre. Ce sera exceptionnel car les trimarans vont aller très vite. J’ai hâte de me mesurer aux autres! En 2019, le tour du monde des Ultim au départ de Brest. C’est la première édition d’une nouvelle course. Avant tout cela, il faut bien se préparer. : Nous avons quatre mois d’entraînement pour faire évoluer le bateau. Nous voulons de plus en plus aller vers le vol. Je m’entraîne depuis Port-la-Forêt dans le golfe de Gascogne. Nous faisons souvent des allers/retours entre Bretagne et Irlande ou Espagne, pour nous c’est 48 heures. J’aime bien cette zone au large de l’estuaire de la Gironde. J’irai peut-être virer la BXA(1) et je vous enverrai la photo!