Sport • 12 février 2019
Eric Bellion, le Vendée Globe sur grand écran en sortie nationale le 13 février
" J’ai jamais eu aussi peur de ma vie, j’ai jamais autant souffert de ma vie, j’ai jamais pris autant de plaisir de ma vie"
Le film du navigateur Eric Bellion sort au cinéma le 13 février dans le réseau des cinémas UGC. Parti à l’assaut du Vendée Globe en 2016, Eric Bellion est un marin engagé humainement, notamment pour la cause de la différence. Son bateau lors du Vendée Globe s’appelait Comme un seul homme. Son film aussi.
Qu’avez-vous voulu montrer à travers ce documentaire très personnel et intimiste?
J’avais depuis le début envie de raconter de l’intérieur toutes les difficultés, toute cette part d’inconnu, les moments de peur… car je savais que c’était le contraste entre ces moments de doute et ces moments de bonheur qui pouvait donner un récit intéressant et sincère.
Le Vendée Globe était-il un rêve de marin?
Non, je voulais surtout que l’on parle de la cause que je défends et sortir de ma zone de confort. Je voulais surtout raconter que d’aller dans l’inconnu ça fait mal, c’est difficile, mais qu’on peut réussir et se découvrir. On cumule les emmerdes. Je ne voulais surtout pas gommer ça. D’ailleurs j’ai très vite été dépassé par le scénario de la course…
Vous filmer vous a-t-il aidé à surmonter les doutes et les peurs de cette aventure?
Pas vraiment non ! De prendre la caméra n’a pas été un exutoire. J’avais envie de tout raconter… et donc aussi les moments pas terribles, ces moments de souffrance vécus à plein. J’ai donc décidé de tout montrer. Comme dans toutes mes aventures, je sais d’où je pars mais je ne sais pas tellement où j’arrive. Je le revendique. C’est un laboratoire… et même l’échec reste intéressant.
Vous ne parlez jamais de la course. Pourquoi occulter l’aspect régate durant ces 99 jours autour du monde?
En fait, la compétition n’a jamais été mon objectif ! Mon objectif, c’était déjà de participer à mon petit niveau à cette course-là. Je n’avais pas d’ambition de classement et c’est peut-être parce que je n’ai jamais visé une bonne place que je l’ai obtenue. Ce que je visais et qui de mon sens est bien plus ambitieux, c’était d’être en harmonie avec la mer et mon bateau, et ça ce n’était déjà pas si facile à atteindre.
Avez-vous eu peur?
Bien sûr que j’ai eu peur ! Oui, tapi sous mon abri de veille, j’avais la trouille au ventre. Quand tu vois l’anémomètre qui indique 70 nœuds (force 12 correspond à 64 nœuds) et la mer blanche en train de fumer tu n’en reviens pas. Moi, je n’avais encore jamais vu ça depuis que je fais de la voile! De nuit, je me suis retrouvé bateau couché avec de l’eau jusqu’à la taille en train d’hurler sans plus savoir quoi faire… Puis je me suis calmé, j’ai effectué les gestes et la procédure habituels en pareille situation, et nous sommes repartis.
Quel est votre meilleur souvenir de ce tour du monde?
Je crois que c’est le moment où dans une dépression au début de l’océan Pacifique, je fausse compagnie à tous mes potes. Une sorte de déclic. Je suis plus Nord, la mer est mauvaise, le bateau est sous l’eau avec trois ris trinquette… Je me dis que je ne vais pas réussir à partir avec la dépression et vais me faire semer. Et tout d’un coup de nuit entre chien et loup, la mer se range et le bateau commence à surfer de façon incroyable sous pilote automatique. J’ai vaincu ma peur et c’est une grande fierté.
Votre pire souvenir?
C’est ce début de course où dans la descente de l’Atlantique je ne suis pas du tout en harmonie avec mon bateau. Il m’a fallu déjà quatre jours et quatre nuits pour me remettre de l’émotion du départ. Je peine à dormir, je suis dans le regard des autres, dans la crispation. Je pense à
ceux qui disaient de moi que je n’avais pas les épaules pour le Vendée Globe. Je me dis que je vais abandonner, que je suis trop faible, trop petit, que cette course n’est en fait pas pour moi. Ce sont des moments horribles…
G. R. avec Agence