Patrimoine • 2 mai 2018
Comment Donald Crowhurst a menti sur son tour du monde
[LIVRE]
Pour le départ de la Golden Globe Race, l'enquête de deux journalistes anglais replonge dans le mystère du plus gros mensonge de la course au large
L’histoire de la course au large a laissé de Donald Crowhurst l’image d’un marin qui, devenu fou, se suicide rongé par les remords d’avoir triché. A l’occasion du départ de la Golden Globe Race, le 1er juillet des Sables d’Olonnes, les éditions Arthaud rééditent le livre de deux journalistes anglais ayant, les premiers, enquêté sur la personnalité et le trajet de ce marin peu expérimenté parti pour la première course à la voile autour du monde sans escale et sans assistance. En mars, le film « Le jour de mon retour », avec Colin Firth, est sorti au cinéma pour raconter fidèlement le plus gros mensonge de l’histoire de la voile.
Sur les pontons des ports français et anglais, à l’occasion de la Golden Globe Race qui se prépare, on évoque l’histoire de Donal Crowhurst. Il a inspiré plus d’une oeuvre: Isabelle Autissier écrit son premier roman en s’inspirant de ce drame, (« Seule la mer s’en souviendra », 2009) et quatre films, entre 2006 et 2018, adapte ou relate fidèlement la tragédie de cet homme ordinaire.
Un journal de bord falsifié
Dans « L’étrange voyage de Donald Crowhurst » de Ron Hall et Nicholas Tomalin, paru en 1969 et réédité en janvier 2018, on plonge au coeur du drame, découvrant petit à petit la personnalité déroutante du marin. Il part le 31 octobre 1968, dernier jour autorisé pour s’engager dans la première course à la voile autour du monde, la Golden Globe Race, organisée par le journal Sunday Times. Il part à bord de son trimaran en bois de 12m, Teignmouth electron. Il n’est pas un marin aguerri comme Robin Knox-Johnston ou Bernard Moitessier qui prennent également le départ.
Son bateau est mal préparé mais il montre un confiance infaillible et annonce à tout le monde qu’il est sûr de gagner. Il a besoin d’argent pour sauver de la faillite son entreprise d’électronique. Marié et père de quatre enfants, il sombre doucement dans le côté obscur de sa personnalité. Il passe tout de même plus d’un an et demi dans l’océan Atlantique à tourner en rond entre l’Afrique et l’Amérique du Sud, notamment au large du Brésil. Il transmet de fausses positions crédibles pour la plupart des observateurs. Entre décembre 1968 et mai 1969, Donald Crowhurst ne donne plus de nouvelle et réapparaît sur les ondes radio pour transmettre à nouveau de fausses positions faisant croire qu’il avançait très rapidement. Seul Francis Chichester, premier navigateur à effectuer un tour du monde d’ouest en est en solitaire et organisateur de la course, exprime publiquement ses doutes sur la progression de Donald Crowhurst.
Une lente descente vers la folie
Au fil des pages, on se rend compte comment Donal Crowhurst glisse vers un état de folie. Il tient deux journaux de bord, un faux et un établissant ses positions réelles. Vers les dernières semaines, le remord de son mensonge le ronge tellement qu’il bascule, par paliers, dans un état psychologique de démence. Elevé par une mère extrêmement croyante et proche des Témoins de Jéhovah, il est rattrapé par le poids de la religion qu’il avait repoussée. La faute du mensonge lui semble alors impardonnable. Il préfère mourir. Il sait que s’il rentre en Angleterre, il ne pourra pas assumer sa tricherie. Il sait que s’il reste en mer, il mourra. Refusant d’abandonner pour sauver sa vie tout en ne pouvant pas assumer un retour triomphal (il était en train de gagner), il décide de se suicider.
Son vrai journal de bord cesse le 1er juillet à 11h20 et 40 secondes. Il s’est probablement jeté à l’eau alors que son bateau avançait à 3 noeuds. Sur les dernières pages du son journal de bord, il explique, en substance, qu’il est Dieu car lui seul sait comment dissocier l’âme du corps de manière à pouvoir accéder à la vie éternelle. Il affirme qu’il a été choisi pour expliquer aux hommes comment faire pour, à leur tour, bénéficier d’une vie sans fin.
Son trimaran a été retrouve dix jours après par un cargo. Les auteurs de « L’étrange voyage de Donald Crowhurst » ont été parmi les premiers à monter à bord du navire vide.