Patrimoine • 24 septembre 2019
La bataille navale d’Arnemuiden, au début de cent ans de guerre
Durant plus d’un siècle, longévité dont elle tirera son nom, la Guerre de Cent ans est le théâtre d’âpres combats et de luttes pour la souveraineté et le pouvoir. Le 23 septembre 1338, un an après le déclenchement de cette guerre qui oppose le Royaume d’Angleterre au Royaume de France, les eaux du port de l’île de Walcheren aux Pays-Bas, près d’Armenuiden, essuient les remous violents d’une bataille qui oppose une imposante flotte française à cinq nefs anglaises. Et c’est un véritable bras de fer auquel se livrent les opposants, au cours duquel, malgré l’écrasante supériorité numérique des Français, l’escadre anglaise se défendra jusqu’au bout, ne capitulant qu’au terme d’une journée de lutte.
Un contexte historique et géographique
À l’origine du conflit, se trouve la question de la souveraineté des deux royaumes de France et d’Angleterre. Les intrigues entre Capétiens et Plantagenêt viennent alimenter et nourrir les luttes de pouvoir et les fortes tensions. À l’époque, le Royaume de France est un des pays les plus florissants d’Europe, au travers de son agriculture, favorisée par un climat adapté, par sa géographie fluviale, ainsi qu’au travers de sa démographie (16 millions d’habitants) et de son imposante superficie (424 000 km2). Le Royaume d’Angleterre, avec ses quatre millions d’habitants, œuvre dans le secteur de l’élevage, nourri par les pâturages verdoyants qu’offrent les terres irriguées par les pluies. Les ovins fournissent une laine fine et vantée pour ses qualités de filage. Mais à cette époque touché par le Petit Age Glaciaire (série d’hivers très froids), c’est tout le nord de l’Europe qui est affaibli en raison de mauvaises récoltes.
Dans ce contexte, la consommation de vin se répand dans la noblesse, qui trouve dans le fruit de la vigne et dans le companagium (accompagnement du pain) une façon de profiter de la prospérité générale. La Guyenne, terre appartenant alors aux souverains anglais, garantit l’exploitation de produits de la vigne grâce aux qualités de son terroir et son climat adapté.
La succession au trône de France : les prémices d’une très longue guerre
Sur fond de querelles de succession après la mort en 1316 de Louis X le Hutin, dernier héritier mâle de la branche des Capétiens, c’est Philippe V, frère de Philippe le Bel, qui prend la couronne, instaurant de fait la loi salique en écartant, pour des raisons géopolitiques, l’héritière de lignée directe (Jeanne de Navarre). Après sa mort, puis celle de Charles IV, et en l’absence d’héritier mâle, c’est Philippe VI qui accède au trône, en tant que neveu de Philippe IV le Bel. Cependant, le fils d’Isabelle de France, qui avait aussi été écartée du trône en raison de la loi salique, se porte également candidat : il s’agit d‘Edouard III, roi d’Angleterre. Mais sa proposition est refusée par les pairs de France, arguant qu’un étranger ne peut pas accéder à la couronne. Edouard III se résigne, et accepte de céder des concessions en Guyenne en échange du soutien du Royaume de France sur l’épineuse question de l’Écosse qui montre des velléités d’indépendance. Mais Philippe VI apporte son soutien à Philippe Bruce, prétendant au trône d’Ecosse. En conséquence, se saisissant de la question de sa légitimité au trône de France, Edouard III déclare la guerre.
Arnemuiden, une longue lutte sur les eaux
Le 23 septembre 1338, un an après le déclenchement de la Guerre de Cent Ans, une bataille navale est livrée près d’Arnemuiden aux Pays-Bas avec d’un côté une flotte française composée notamment de cinquante-huit galères, menée par les amiraux Hugues Quiéret et Nicolas Béhuchet, et de l’autre côté cinq nefs du Royaume d’Angleterre qui transportaient de la laine en Comté de Flandres. Le combat est long, difficile, acharné. Les navires anglais, et notamment le Christofer qui était équipé de trois canons de fer et d’un canon à main, se battent vaillamment sous les ordres de John Kingston, jusqu’au dénouement. C’est l’une des premières batailles au cours de laquelle l’artillerie prend une place prépondérante.
Les Français remportent cette bataille navale, et récupèrent la cargaison de laine ainsi que les cinq nefs anglaises. Au prix cependant d’un lourd tribut humain, avec 1000 morts côté anglais et 900 morts côté français. Deux ans plus tard, les amiraux français qui menaient la flotte française à Arnemuiden, Quiéret et Béhuchet, seront, pour l’un décapité, et pour l’autre pendu par les Anglais, lors de la Bataille de l’Ecluse en Flandre néerlandaise. Suivie par plus de cent ans de combats dans cette fin de Moyen-âge mouvementé…