Dossier • 20 mars 2019
Le 20 mars, c’est l’anniversaire de la création de la compagnie néerlandaise des Indes orientales
Si le 20 mars est la date d’anniversaire de naissance de l’ancien Président de la République René Coty (1882), c’est aussi l’anniversaire de la création de la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales, aussi appelée VOC.
Cette compagnie privée a radicalement et durablement bouleversé l’image du globe et des empires coloniaux. Elle est aussi considérée comme une des premières firmes multinationales dans son organisation. Retour sur l’histoire cette compagnie dans tous ses aspects.
La Compagnie des Indes Orientales est créée dans un contexte de blocus économique
Au cœur de la guerre d’indépendance des Provinces-Unies, actuels Pays-Bas, contre le Saint Empire Romain Germanique des Habsbourg, de 1568 à 1648, les armateurs néerlandais décident d’unir leurs forces en une entité conséquente. En effet, les navires hollandais ne peuvent plus profiter des ports espagnols disséminés sur les routes maritimes commerciales (en particulier au Cap de Bonne-Espérance). La Verenigde Oostindische Compagnie (ou VOC) est alors créée le 20 mars 1602, qui arrachait des républiques fédérées un pouvoir militaire dans la mesure où elle défendait ses intérêts commerciaux, depuis le Cap jusqu’au détroit de Magellan.
La VOC acquiert rapidement une hégémonie dans le commerce entre Asie et Europe
Après avoir supplanté les Portugais sur le marché commercial asiatique, la Compagnie néerlandaise élimine ses compétiteurs. Son alter ego britannique (East India Company) ne sut émerger véritablement qu’à la fin du 17e siècle. Les conquêtes militaires de la compagnie hollandaise lui permirent de contrôler les ports nécessaires au transport des marchandises et de conquérir un véritable monopole en la matière. Elle fut notamment longtemps la seule entreprise européenne à accéder au marché japonais. Textiles d’Inde, café de la péninsule arabique et de l’île de Java, thé de Chine, épices des archipels indonésiens : tout était contrôlé par la Compagnie. Celle-ci reliait d’une part l’Europe et l’Asie, mais également les divers écosystèmes et colonies asiatiques entre eux.
Une perte progressive et inévitable de son monopole conduit la Compagnie à sa ruine
A partir de la fin du 17e siècle, les puissances européennes profitèrent de la croissance soutenue du commerce des épices et des produits asiatiques vers le Vieux Continent. La compagnie française des Indes orientales ou la Compagnie britannique grapillèrent ainsi peu à peu les parts de marché de leur concurrente hollandaise, qui dut se replier sur le marché intérieur des Provinces-Unies et ses ventes. La quatrième guerre entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas en 1780 provoqua la chute définitive de la puissance commerciale de la VOC. En 1799, la Compagnie, en faillite et cessation de paiement, vit son conseil d’administration démissionner, et la République Batave, fondée par la France en 1795, la nationaliser. Elle disparut en 1800.
Un impact historique considérable
La présence de la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales a un héritage encore actuel. Le siège de la Compagnie fut la ville de Batavia, érigée par la VOC, et qui est aujourd’hui Jakarta, la capitale d’Indonésie. De même, elle s’empare en 1656 de Ceylan, l’actuel Sri Lanka, pour contrôler la production de cannelle. L’Afrique du Sud doit aussi son histoire à cette présence hollandaise égrenée, puisque la VOC décide au milieu du 17e siècle de fonder des comptoirs (dont le Cap). Ces hollandais seront les premiers Boers lorsque la Compagnie choisit de faire de l’Afrique du Sud une colonie de peuplement. La Compagnie a ainsi bâti le second Empire colonial, après l’Empire britannique, au 18e siècle.
Une des premières multinationales de l’histoire
Comme le souligne en tout premier lieu l’historien Fernand Braudel (Civilisation matérielle, économie et capitalisme XVe-XVIIe, 1979), l’organisation de la Compagnie est très moderne pour l’époque. Un conseil d’administration planifie précisément les stratégies de développement de l’entreprise, en s’appuyant sur un service de cartographie extrêmement performant. Les routes commerciales sont redéfinies en prenant en compte plusieurs critères (temps, dangers, pirates). Cela lui permet de croître rapidement en taille (elle aurait sous ses ordres 80 000 hommes en 1735). Cette folie des grandeurs est cependant une des sources de sa chute, avec la corruption rampante qui la gagne progressivement.
C’est surtout dans le contrôle des actions des métaux que le legs économique de la VOC est flagrant. En effet, pour économiser ses coûts, la Compagnie n’hésite pas à jouer des différents cours des métaux rares entre les différentes places boursières (entre Batavia et Amsterdam par exemple). Pour l’historien Patrick Verley, « l’organisation de l’exportation des métaux précieux a donné naissance à des stratégies de long terme, qui expliquent la mondialisation ».
Aujourd’hui, un fonds d’archives de la VOC est très utilisé pour comprendre les processus de mondialisation des 17e et 18e siècle.
La Compagnie néerlandaise des Indes est donc une entreprise pionnière dans la structuration des échanges internationaux, par son organisation rigoureuse, son envergure et ses stratégies de développement.