Nautisme • 14 décembre 2018
Van Den Heede. Ses amis: « Jean-Luc réalise le rêve de sa vie »
GGR 2018, vu de la terre #3/3
#Le Tour des Mers vu de la Terre# Gilles et Foise Cosson, amis de VDH, vivent la course entre angoisse et admiration. C'est la première fois qu'ils le voient partir autour du monde
Comment les proches des navigateurs « tourdumondistes » vivent le danger et l’éloignement? Gilles et Foise Cosson passent leur retraite au nord des Sables d’Olonne. Il connaissent Jean-Luc Van Den Heede depuis une douzaine d’années. Gilles Cosson régatait à bord d’Algimousse avec VDH en baie des Sables. Son épouse, que d’aucuns surnomment Foise, passionnée d’écriture, couche, chaque jour, sur papier ses sentiments de savoir leur ami au bout du monde. C’est la première fois qu’ils le voient partir si loin.
« Il voulait rester aux Sables »
L’ami Gilles a fait partie des proches qui, dans le plus grand secret, ont ourdit le projet tourdumondiste. « Trois ans avant le départ, je suis allé avec lui en Angleterre chercher le bateau, raconte-t-il. Il comptait dévoiler son projet plus tard, sauf à sa compagne et ses enfants bien entendu. Avec Foise, nous ne l’avions encore jamais vu partir autour du monde, il disait qu’il voulait rester aux Sables. » Ils le soutiennent dans son ambition, l’épaulent jour après jour durant ces années de préparation. Et ce ne fut pas une mince affaire, tellement le marin se centre sur son objectif.
« Je ne voulais pas le voir plartir »
Au moment du départ de la course, Foise Cosson demeure un peu éloignée de la cohue. « Je ne voulais pas le voir partir, livre-t-elle, mi-souriante mi-sombre. Je lui ai dit: « Fous l’camp! Nous avons échangé un geste. Pour moi, c’était très fort. Ce jour-là, tout était euphorique. On ne savait pas vers quoi il partait. Quand on est rentré à la maison, j’avais la sensation que notre vie était toute petite et que, a contrario, ces marins avaient l’immensité devant eux. » Chaque soir et chaque matin, le couple examine la position du voilier n°8.
« Lui est libre »
Gilles, partie prenante de l’organisation, accompagne le voilier jusqu’à la tombée de la nuit. « Dans les derniers moments, quand tout semble aller et qu’il faut rentrer, les questionnements se chevauchent. Tu te demandes même si on les reverra ou si on sera toujours là quand ils rentreront. »
« Il est en train de réaliser le rêve de sa vie. Je l’envie. »
« J’ai également ressenti la sensation d’être enchaîné par la vie, face à Jean-Luc qui partait vivre sa passion. Lui est libre. Il est en train de réaliser le rêve de sa vie. Je l’envie. »
« Sur l’eau, il est bien. »
Gilles est le dernier à quitter le voilier Matmut. « Nous nous sommes dit au-revoir verbalement mais il était déjà dans sa course. Sur l’eau, il est bien. Il a une organisation cérébrale très précise et une concentration impressionnante. »
« Je savais qu’il n’abandonnerait pas »
Lundi 5 novembre, VDH chavire de 150° dans une forte mer un peu avant le Cap Horn. « Comme tous les matins, je regarde sa position sur Internet, narre Foise Cosson. J’apprends qu’il vient de chavirer. Gilles était absent, je n’ai pas voulu le lui apprendre par téléphone. » Son mari poursuit: « Quand je suis rentré, j’ai cru qu’un accident était arrivé dans la famille. Foise m’a dit: « Il a chaviré mais il part sur Valparaiso. » J’ai répondu: « Attendons deux jours. » Il a déjà subi des chavirages, si son mât tenait debout, je savais qu’il n’abandonnerait pas. »
« Qu’il redevienne comme avant »
Gilles et Foise Cosson savent bien qu’ils n’auront pas leur ami pour eux une fois la ligne d’arrivée coupée. « Il aura plein de choses à vivre, on le laissera profiter de cette euphorie qui doit ressembler à celle du départ, livre Foise. Nous attendrons une, deux, trois semaines, un moment où on se retrouvera avec les proches. » Fort caractère et langue aussi pendue que sensibilité à fleur de peau, Foise Cosson avertit néanmoins son ami toujours en mer: « J’espère qu’il redeviendra comme avant ce projet. Il ne pensait qu’à ça. Il avait un comme un petit carnet dans sa tête où il rayait les tâches réalisées. Parfois, il n’était pas avec nous. Oh que ça m’énervait! »
Étrilles et mayonnaise
« J’ai hâte de me trouver au calme avec lui, avoue Gilles Cosson. J’aimerais lui poser plein de questions car cela me surprend toujours qu’un être humain arrive à faire ce qu’il fait. Je sais que devant des étrilles et un peu de mayonnaise, on peut savoir plein de choses! »