Nautisme • 3 août 2018
(Re)lire Van Den Heede alors qu’il est (re)parti
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A l'envers, à la voile, en solitaire et sans escale. Jean-Luc Van Den Heede raconte l'aventure de son record dont il est, depuis 14 ans, toujours détenteur
Sur le pont ou un ponton, on (re)lit « L’océan face à face » de Jean-Luc Van Den Heede. A 72 ans, l’un des meilleurs marins français est, depuis 14 ans, détenteur du record du Tour de monde à la voile, en solitaire, sans escale et à l’envers. D’est en ouest, contre vents et courants dominants. Il a dû s’y reprendre quatre fois. Il gagne en 2004.
Aujourd’hui, à 72 ans, il est reparti en course. Il est actuellement dans le trio de tête de la Golden Globe Race.
Sur les océans au fil des pages
En mars 2004, il pulvérise de 29 jours et 5 heures le précédent record en en 122 jours, 14 heures, 03 minutes et 49 secondes.
Au fil des 251 pages de « L’océan face à face », le navigateur immerge son lecteur avec lui. Lors de ses trois tentatives et de l’édition victorieuse, l’ancien professeur de mathématiques de lycée à Lorient, raconte avec précision et pédagogie son épopée. Ses épopées devrait-on dire plutôt. Il a mis cinq années pour remporter le titre qu’il détient toujours, 14 ans après. Celui du recordman de « l’Everest de la voile« . En 1999, la coque de son bateau lâche. En 2001, il doit renoncer, sa quille menace de céder. En 2003, il démâte. Il gagne le 11 mars 2004. « Enfin, ce sont les derniers milles, la dernière nuit, les dernières embûches, les dernières craintes… Puis, libération totale, les feux d’Ouessant. »
« Sept ans d’effort, trois échecs, toute une vie de navigation! »
Il décrit l’émotion de retrouver les siens, le bonheur « de parler de vive voix avec des êtres humains ». Peu enclin à livrer ses sentiments, le marin « taiseux » s’attache plutôt à détailler et à expliquer les aventures et mésaventures techniques. Il laisse tout de même, parfois, glisser un sentiment.
Trois échecs, la victoire d’une vie
« L’océan face à face » est un hymne à l’opiniâtreté, au combat (contre soi-même, les élements et les contraintes) pour atteindre ses rêves. Ne jamais laissez tomber. Ne pas baisser les bras. Jean-Luc Van Den Heede a l’envie comme moteur. Lors d’une navigation, il nous expliquait: « Quand tu es bien au chaud dans ta couchette et qu’il faut aller changer une voile, tu es seul, à l’autre bout du monde, personne ne te voit. Tu peux rester couché. Moi, je me lève parce que j’aime que mon bateau avance correctement. »
En 2004, son bateau est Adrien, du nom d’une entreprise familiale avec qui le marin a noué des liens très forts. On découvre au fil de ses échecs, la force des relations humaines qui peuvent se tisser avec les gens de mer, quelque soit l’endroit du globe. L’auteur n’est pas avare d’anecdotes comme celle de la soirée à l’issue du Boc Challenge, la Not the Boc Award. Les skippers engagés s’offrent des cadeaux. « Pour mon échouage sur la plage, j’eus donc droit tout naturellement à une pelle et un seau de sable ».
On se régalera surtout de la narration de ses passages du Cap Horn. Il l’a franchi dix fois. Espérons qu’il le double une onzième fois dans quelques mois lors de la Golden Globe Race.
« L’océan face à face », Jean-Luc Van den Heede, octobre 2004, Editions Michel Lafon.
Gaëlle Richard