Insolite • 1 avril 2020
Le saviez-vous ? Le Paquebot Normandie
Fleuron de la Compagnie Générale Transatlantique, le paquebot Normandie est mis en service le 29 mai 1935, il est alors le plus grand paquebot du monde. Il desservira la ligne atlantique nord au départ du Havre, en passant par Southampton jusqu’à New-York.
Réquisitionné comme transporteur de troupe par le gouvernement américain durant la seconde guerre mondiale, il est victime d’un terrible incendie dans le port de New-York en février 1942. Sa courte carrière contribue à le faire entrer dans l’histoire des paquebots de légende.
Mais le saviez-vous ?
1. Construction difficile
La Compagnie Générale Transatlantique comme beaucoup d’autres compagnies maritimes, est en grandes difficultés financières avec la crise de 1929. La construction du paquebot débute en janvier 1931 dans les chantiers de Panthoët à Saint Nazaire. Cependant, pour financer la construction de son nouveau paquebot, elle a recours à l’aide de l’État Français sous lequel elle se retrouve sous tutelle en Juin 1931. A plusieurs reprises, il est question de suspendre la construction.
La White Star Line a d’ailleurs annulé la commande de son nouveau paquebot Oceanic avant de fusionner avec sa rivale : la Cunard pour pouvoir réaliser la construction du paquebot Queen Mary. Toutefois, Henri Cangardel – Administrateur Directeur de la compagnie Générale Transatlantique et Marcel Olivier – Président de celle-ci, s’efforcent de mettre en avant les nombreux avantages et le rayonnement que le nouveau navire apporterait à la France pour maintenir l’avancée du projet. C’est en 1932 que la commande est dite « confirmée » : Normandie verra le jour.
2. Conception et installations hors normes
La conception du paquebot est révolutionnaire. De nombreuses études sont menées afin de trouver une coque dont l’hydrodynamisme s’accorde avec la vitesse du navire. C’est à Vladimir Yourkevitch – Architecte Russe, que l’on doit la coque originale du Normandie. Contrairement à ses concurrents dont l’étrave a la forme d’un V, le paquebot disposera d’une coque plus large et d’une étrave en forme de Y afin de faciliter son sillage. Normandie sera également le premier des paquebots à disposer d’un bulbe d’étrave.
Autre défi pour les concepteurs, l’aménagement d’une salle à manger de 1000 m2. Des dimensions hors normes : haute de trois ponts pour une longueur de 90 mètres avec une porte d’accès de 6 mètres de haut, la salle à manger du Normandie est plus vaste que la galerie des glaces du château de Versailles. De par son architecture moderne ou ses somptueux décors en laque, verre gravé, marbres et autres bois exotiques, le paquebot Normandie représente l’apogée de la construction navale.
A son arrivée à New-York, l’architecte naval William Francis Gibbs visite le paquebot. Il s’inspirera de la conception du Normandie pour la création du paquebot United States qui entrera en service en 1952.
3. Victoire du Ruban bleu compromise
Après son escale à Southampton le matin du 30 mai 1935, le paquebot s’élance pour sa première traversée de l’atlantique à une vitesse de 29,9 nœuds, soit 55,4 kilomètres par heure. Deux jours après son départ, l’équipage du Normandie est contraint d’arrêter l’un des moteurs du paquebot suite à une avarie d’un condenseur. Pourtant le navire arrive à maintenir une vitesse de 28 nœuds. Malgré les pronostics des passagers sur la capacité du Normandie à remporter le Ruban bleu (récompense remise au bateau ayant effectué le plus rapidement la traversée de l’atlantique), la compagnie Générale Transatlantique refuse de se prononcer sur une potentielle victoire.
Une fois le problème moteur résolu, le paquebot reprend de la vitesse et atteint une vitesse de 30 nœuds. Le 3 juin 1935, Normandie arrive à New-York sous le feu des projecteurs escorté par les bateaux-pompes, acclamé par une foule immense venue assister à l’arrivée du plus grand paquebot du monde. Le navire a traversé l’atlantique en seulement 4 jours et 3 heures battant ainsi le record de vitesse. Un ruban bleu de 30 mètres de long est affiché en tête de son mât (1 mètre pour chaque nœud de vitesse). Normandie sera le seul paquebot de la compagnie Générale transatlantique à remporter cette récompense tant convoitée.
4. Fin tragique
Lorsqu’éclate la seconde guerre mondiale, la compagnie maritime française prend la décision d’arrêter les traversées de l’atlantique du paquebot en raison des risques de torpillage. La Compagnie Générale Transatlantique choisit de stationner le navire amiral de sa flotte dans le port de New-York jusqu’à la fin du conflit. À l’entrée en guerre imminente des États-Unis, le gouvernement américain vote en avril 1942 la prise de contrôle du paquebot. L’équipage français est alors débarqué. À cette occasion, Normandie est rebaptisé USS Lafayette, sa coque repeinte en gris, et des travaux sont entrepris pour vider le paquebot de ses aménagements intérieurs.
Le 9 février 1942, les travaux se poursuivent dans la salle à manger lorsqu’une étincelle enflamme des gilets de sauvetage entreposés. L’incendie se propage rapidement, et l’équipage américain qui ne connaît pas le paquebot se trouve vite dépassé. Des anciens membres d’équipage français ou encore l’architecte du navire Vladimir Yourkevitch se voient refuser de monter à bord. Les bateaux-pompes du port déversent ainsi des tonnes d’eau sur les superstructures du paquebot pour éteindre l’incendie. Une fois le feu maîtrisé, le navire gîte fortement sur bâbord à cause du poids de l’eau qui se déverse à l’intérieur… mais Normandie semble être mis hors de danger et sa gîte est stabilisée. C’est le va et vient des marées qui apportera le coup de grâce en déséquilibrant le navire. Normandie se couche définitivement sur son flanc bâbord le 10 février à 2h40.
5. Vestiges
Renfloué le 27 octobre 1943 pour 11 millions de dollars, le navire doit être remis en état par la Navy, mais l’inspection du paquebot révèle d’importants dommages sur la coque et les machines. En 1944 la Navy abandonne le projet de remise en état. Cependant le Président Roosevelt soutient la réhabilitation du Normandie car d’après lui, la perte du paquebot serait injustifiable à la libération de la France. En 1946, la France refuse de récupérer l’épave du paquebot.
La carcasse de Normandie est vendue pour destruction en 1947. Le paquebot Allemand Europa est cédé à la Compagnie Générale Transatlantique comme dommage de guerre afin de remplacer la perte du Normandie. Le nouveau paquebot est rebaptisé Liberté. Il est intégralement revu par la compagnie afin d’intégrer des éléments de décoration du Normandie qui avaient été démontés et stockés à New-York. Son service prendra fin en 1962 avec l’arrivée du nouveau paquebot France… dernier géant de la Compagnie Générale Transatlantique.
Les portes de la salle à manger du paquebot Normandie comptaient 10 médaillons représentant différentes grandes villes de cette région. Aujourd’hui, ses portes ornent désormais l’entrée de la cathédrale maronite Notre-Dame du Liban à Brooklyn. D’autres vestiges sont également visibles au musée des Arts décoratifs à Paris. Une partie de la vaisselle du paquebot a été vendue aux enchères. De nombreuses autres pièces du navire sont conservées dans les archives de la compagnie.