Environnement • 11 janvier 2020
Asphyxiés, les océans se meurent
Immenses, nous pensions les océans inaltérables. Ils sont désormais menacés. Aux invasions d’algues, à l’acidification, il faut ajouter l’asphyxie. Le taux d’oxygène dissout baisse. L’hypoxie et l’anoxie, les deux stades du manque d’oxygène, gagnent. Les zones mortes se multiplient. Jusqu’où ira ce phénomène délétère ?
Le constat des « zones mortes »
Les zones marines anoxiques, où la vie s’éteint faute d’oxygène, ont quadruplé depuis 50 ans. Celles hypoxiques, où la vie recule par déficit chronique d’oxygène, ont plus que décuplé dans le même temps. Leurs surfaces grandissent, la plus grande dépassant 70 000 Km². Plus de 700 sites sont répertoriés, pour une surface cumulée totale plus grande que le Royaume-Uni. Des mers fermées, comme la Baltique, des golfes, comme celui du Texas, sont très touchées.
Une répartition ciblée
Entre 2060 et 2010 le taux d’oxygénation a baissé de 2% à l’échelle mondiale selon le rapport UICN 2019. Les impacts négatifs se concentrent au niveau des côtes et des estuaires de tous les continents. Ces zones marines à fort intérêt économique ont de tous temps nourri les hommes. La pêche y est menacée. Les espèces peu ou pas mobiles, coquillages et crustacés, sont en grand danger. Les poissons qui peuvent fuir voient leurs biotopes naturels se rétrécirent.
Une causalité humaine incontestable
Des zones mortes historiques sont attestées, dans des conditions naturelles très particulières. Ce qui devient préoccupant est l’apparition et l’accroissement de zones mortes en proximité des activités humaines polluantes. La cause majeure semble être l’apport constant de fertilisants agricoles et de sédiments à composantes organiques lié directement ou indirectement à l’aménagement du littoral : curage volontaire ou inondations aggravées par la « bétonisation ».
L’eutrophisation localement à l’œuvre
Les animaux marins, zooplancton et bactéries consomment l’oxygène pour brûler le carbone, rejetant du gaz carbonique. Phytoplancton et algues captent le carbone du CO² par photosynthèse en libérant l’oxygène. Ce cycle est équilibré. En cas d’excès de nutriments, les organismes stimulés par la nourriture consomment beaucoup trop d’oxygène, plus que peut en fournir la photosynthèse. C’est l’eutrophisation. Quand l’oxygène finit par manquer, les organismes meurent, leur décomposition consommant encore plus d’oxygène. À l’extrême, la dystrophisation conduit à l’anoxie et détruit totalement la vie.
Vidéo © Brut
Le réchauffement climatique, cause systémique
Les eaux froides contiennent physiquement plus d’oxygène que les eaux chaudes. Donc le taux d’oxygène baisse depuis le début du réchauffement climatique. Là où certaines situations auraient pu se maintenir dans un équilibre dégradé, le manque d’oxygène devient critique et génère de nouvelles zones mortes. Le rapport de l’UICN évoque malheureusement une baisse à venir d’oxygénation de l’ordre de 4 % d’ici 2100.
Peut-on empêcher l’irrémédiable ?
L’hypoxie est globalement réversible, les espèces encore présentes peuvent se redévelopper avec le retour d’un taux satisfaisant d’oxygène. Une colonisation nouvelle des espaces anoxiques peut lentement s’organiser spontanément. La lutte globale contre le réchauffement climatique est une nécessité aussi pour l’océan. L’effet de l’action locale est plus immédiat. En arrêtant le déversement d’effluents agricoles ou ménagers, de résidus de chantiers ou de curage, l’eutrophisation finit par diminuer, et la mer pourra reprendre ses droits.
Nos océans ne sont peut-être pas encore condamnés, mais le temps presse.